Show me the places where the others gave you scars ♕ Alex

Les sirènes retentissaient dans les rues alentours, dans un vacarme assourdissant. Nora respirait à plein poumons, tout en se remémorant les derniers événements, pour essayer de leur donner un sens. Évidemment, elle se souvenait du début de soirée, de l’opération pour laquelle ils se préparaient - une arrestation qui promettait d’être musclée, connaissant le gang auquel ils avaient affaire. L’objectif était simple : ils avaient récupéré suffisamment d’informations sur la planque d’un des chefs les plus influents, et étaient censés le capturer, de préférence vivant. Pour ce faire, ils avaient fait appel au SWAT, qui avait coordonné l’opération, en collaboration avec d’autres agents de police. Avec tout ce petit monde sur les premières lignes, Nora savait bien qu’elle ne risquait pas grand chose, et qu’elle resterait loin du danger à tout moment. Mais lorsqu’elle entendit les premiers coups de feu, son niveau adrénaline monta en flèche, tout comme son rythme cardiaque. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’elle assistait à un échange de tirs, mais c’était toujours impressionnant quand on y était.
Et comme durant tout échange de tirs, il y avait eu des blessés. Certains plus graves que d’autres, et c’est ainsi que les secours avaient été appelés. En quelques minutes, les ambulances étaient arrivées, et l’opération s’était terminée. La blonde avait lâché un grand soupir lorsqu’elle avait entendu à travers sa radio les mots « Cible appréhendée. » suivis, au bout de quelques secondes, de l’annonce de la fin de l’opération avec un « Clear. » bien distinct. Elle s’était alors dirigée vers la sortie, où attendaient les ambulances, ainsi qu’une petite foule qui commençait à se regrouper autour des lignes de sécurité. Et elle s’était adossée à une ambulance, un peu à l’écart des brancards qui circulaient, et de la foule qui essayaient de prendre ce qu’ils pouvaient en photo.

Dans un geste brouillon, elle détacha son gilet pare-balles, qui lui compressait beaucoup trop la poitrine. C’était bien la première fois qu’une chose comme ça lui arrivait, et elle n’avait aucune idée de ce qu’il fallait faire. Ni pourquoi ça lui arrivait. Elle avait été entraînée à ce genre de situations, pourtant, et s’en était plutôt bien sortie à chaque fois. Mais là, son cœur s’emballait, elle le sentait qui tambourinait contre sa poitrine, essayant par tous les moyens d’en sortir. Toujours appuyée contre l’ambulance, elle se pencha légèrement en avant, et plaça la main droite sur sa poitrine, à l’endroit où son cœur battait si fort qu’elle en avait mal.

Son cœur qui tambourinait, c’était à peu près la seule chose à laquelle elle était capable de réfléchir. Toutes ses autres fonctions cognitives avaient complètement disparu, et elle ne se rendit même pas compte du bruit qu’elle faisait, ni même que quelqu’un s’était approché, d’abord de l’ambulance, puis d’elle. Elle sursauta, même, lorsqu’elle entendit une vois féminine s’adresser à elle. Un médecin, qui voulait l’ausculter. Nora tenta, tant bien que mal, de protester. « Oh... je... merci... mais... » Il y avait sûrement quelqu’un qui avait plus besoin d’attention médicale qu’elle. Mais elle n’était même pas capable de formuler une phrase cohérente, ce qui ne la rendait pas très convaincante, de toute façon.

« Est-ce vous pouvez me dire comment vous vous appelez ? Ou au moins me dire où vous avez mal ? »

Il n’y avait rien de compliqué, pourtant Nora mit un certain temps à comprendre ce qu’on lui demandait. Elle n’avait finalement pas d’autre choix que de se laisser faire, et se concentra même sur le sourire que lui adressait la jeune femme, pour essayer de se calmer. Après quelques respirations un peu plus sereines, elle parvint enfin à prendre la parole.

« Je m’appelle Nora. Je crois que... que mon cœur s’est emballé. Je ne sais pas pourquoi. » Le souffle court, elle était obligée de se limiter à des phrases courtes - ce qui, en soit, était déjà un défi pour elle. Elle déglutit difficilement tout en fermant les yeux, se concentrant sur sa respiration, ainsi que le contact froid du stéthoscope sur sa peau. Elle avait littéralement l’impression de sentir son cœur directement contre l’objet métallique.

« Je ne comprends pas. C’est la première fois que ça m’arrive... Argh ! » Un battement un peu plus violent se fit sentir contre sa cage thoracique, provoquant une petite douleur vive. Malgré tout, elle s’obstinait à vouloir parler, ne supportant pas le silence. Et surtout, elle était toujours convaincue de ne pas être une priorité, au vu des multiples blessés qu’il y avait eu ce soir-là. « Mais ça va aller. Il y a sûrement d’autres personnes qui ont besoin de vous, non ? » Elle avait rouvert les yeux, et malgré la douleur, avait tenté d’adresser un sourire à la jeune femme face à elle. Non sans une petite grimace.

L’idée de monopoliser ainsi les services d’un médecin lui semblait tout à fait ridicule. Elle allait très bien - du moins, jusqu’à il y avait quelques minutes -, et quoi que ça puisse être, ce n’était probablement pas très grave. Pourtant, elle serrait les dents, essayant de reprendre le dessus sur sa douleur, et la panique qui commençait un peu à se lire dans ses yeux. Vainement, elle essaya même d’attirer l’attention de la jeune femme ailleurs, sur ces autres personnes qui avaient sûrement bien plus besoin d’elle. Mais celle-ci lui coupa l’herbe sous le pied, se montrant déterminée à s’occuper d’elle. Et seulement d’elle. La pression de ses mâchoires l’une contre l’autre se fit plus importante, alors que la contrariété venait se mêler à ses autres sentiments du moment.

Visiblement, la brune était bien décidée à ne pas lui laisser le choix, ce qui avait tendance à l’agacer. Mais elle se rendait aussi compte qu’il serait contre-productif de résister, et finit par se plier aux volontés du médecin.

« Venez, je vais vous installer dans l’ambulance, juste cinq minutes, le temps de reprendre vos esprits, il y a beaucoup de bruits et de lumières là »

Elle laissa échapper un petit soupir, le regard baissé sur la main tendue vers elle. Et sans broncher, elle finit par la saisir, et se laissa guider jusqu’à l’intérieur du véhicule.

« Cinq minutes. »

Elle le répéta, pour bien confirmer que c’était temporaire. Mais au fond, elle savait parfaitement que ce n’étaient pas que cinq minutes qu’on essaierait de la garder. Elle essayait juste de se convaincre du contraire, en vain.

« D’ailleurs, pouvez-vous me donner votre nom prénom, âge, la date, ce que vous faisiez ici et le nom du président s’il vous plaît. »

De nouveau, elle lança un regard perplexe à l’urgentiste, mais après quelques secondes, finit par se plier à son interrogatoire. Plus ou moins.

« Nora Marshall, j’ai vingt-huit ans, et... quoi d’autre ? »

Elle secoua la tête, faisant mine d’avoir oublié. La réalité, c’était surtout qu’elle ne voyait pas en quoi nommer le président allait l’avancer à quoi que ce soit. Elle allait bien, et voulait simplement que tout ça se finisse. Peut-être même qu’elle pourrait rentrer chez elle avant le lever du jour.

« Écoutez, je vais bien. Ça va déjà mieux que tout à l’heure, promis. » Faire une promesse à un médecin, était-ce réellement sage ? Probablement pas. « Vous aviez raison, il y avait beaucoup de bruits et de lumières, je me sens beaucoup mieux. »

Voilà maintenant qu’elle essayait de la brosser dans le sens du poil, en disant exactement ce qu’elle pensait devoir dire. Était-ce puéril ? Absolument. Mais là, tout de suite, elle se sentait comme une enfant qui ne voulait pas aller chez le dentiste, et était prête à tous les mensonges pour y échapper.